L'ile de Cardon

 

- Quand, comment et pourquoi t'a commencé à dessiner ?
- J'ai dessiné quand j'étais tout petit. Mon père été un excellent dessinateur,
j'avais du papier et des crayons donc j'ai imité mon père. , il faisait des voiles pour
la marine au Havre, il travaillait dans une voilerie, dessinait beaucoup des bateaux.
C'était un excellent caricaturiste aussi, il faisait des portraits de ses copains.
Donc très bon dessinateur, coloriste aussi. J'ai des dessins de lui . Mon père est mort
a la guerre, il était prisonnier en Allemagne, mort en 43 près de Stuttgart en Allemagne
dans un des bombardements sur le camp, sur les usines qui étaient toutes autour. Il est mort
dans un abri avec 250 de ses compagnons.
- Tu avais quel âge? - J'avais 6 ans. - Et ton histoire avec Canard ?
- J'ai publié mes livres ( mes 2 albums) en 1973. Et le Canard en l'avait parlé.
C'est Ivan Audouard .. qui en avait parlé qui avait fait une bonne critique. Alors
je l'ai remercié, je suis passé le voir au Canard en fin de 63. Ivan m'a bien reçu,
on était allé boire les coups aussitôt au bar et puis il m'a présenté à Gabriel Macé,
Gabriel m'a dit " ... c'est bien, apporte nous des dessins". Alors j'ai apporté quelques
dessins et c'est comme ça a commencé.

- Jolie histoire. Et tu es venu avant ou après Kerleroux?

- J'étais après Kerleroux. J'avais croisé Kerleroux dans un journal qui s'est appelé
Politique Hebdo, un journal de gauche, un peu communiste. Qui était publié du mois
d'octobre 1970. À ce moment-là il y avait plein des dessinateurs, il y avait Kerleroux,
il y avait Gébé. On y faisait des dessins politiques. Moi j'ai faisait des grandes planches.
Après Politique hebdo, se cassé la figure pour des raisons économiques, il avait plus d'argent,
donc il y a compression du personnel vers le mois d'avril 1971. À même temps j'ai travaillait
à L'humanité Dimanche, ça me permetté de vivre. Et après en 1973, j'ai commencé à travailler
au Canard. Sans trop y croire, un dessin de temps en temps. Puis un jour, 2-3 mois plus tard,
début 1974, Escaro m'a dit "Tu devrais travailler plus que ça, tu n'en fis pas beaucoup, tu
n'as pas gagné beaucoup ce mois-ci, il faut que tu continu et tu verras."
Mes débuts au Canard... c'etait complique car tout l'année 1974 j'ai travaillé sur mon dessin
animé.

- Et tu n'as pas fait beaucoup de couleurs...

- No no, je n'ai pas fait de couleurs. Sauf quelques fois quand j'ai faisait les couvertures
pour L'Humanité Dimanche.

-Tu sais que ton dessin animé je l'ai vu il y a à peu après 20 ans dans un petit cinéma
à Créteil.

- Ah oui? Il était passé dans quelques salles, avant la projection des films.

- Est-ce que tu à des traces de ton film ?

- Oui bien sûr, il est chez une agence de courts-métrages, on peut le louer même.
Les négatifs ont été vendu , mais j'avais des copies en 35 millimètres! Ils sont au
service du cinéma français ( Centre National du Cinéma), ça fait partie du patrimoine
maintenant.

- Quelques artistes préférés de toi?

- C'est les grands du 19ème! C'est Daumier, ?'est Picasso! J'ai aimé aussi les dessinateurs
américains - Steinberg par exemple... Quand j'étais ouvrier en 1960-61, j'avais trouvé chez
les libraires des livres de Jean-Jacques Povert. Il publiait une revue qui s'est appelé
BIZARRE. En 1961 il a publié un grand numéro de BIZARRE qui s'est appelé " les dessins
inavouables" Je l'ai acheté bien sur, pour moi c'était une grosse curiosité, un plaisir
énorme. Dedans il y avait des dessins d'André François, de Topor, de Folon....
Après ça je me suis dit - je me suis promis de monter plus vite possible à Paris. Alors
quand je suis monté à Paris je suis allé voir Povert, chez lui, il était à côté du Pont Neuf.
Il m'a reçu tout de suite !
J'avais laissé mes dessins le matin et le soir quand je suis passé les reprendre la
secrétaire m'a dit ?M. Povert veut vous recevoir.? Il m'a reçu et il m'a dit : Vos dessins
sont intéressants, j'ai un numéro de BIZARRE, je ne sais pas quoi mettre dedans - je vais
mettre vos dessins dans ce numéro. C'était les dessins sur les ouvriers, sur les curés,
la classe ouvrière etc. - C'était à époque, maintenant on te dit 'on vous rappellera' - Oui c'était la belle époque pour nous. - Si tes dessins étaient en musique quelle musique ça aurait été?

- La Marche Turque ! Il y aurait aussi du Schubert, les choses comme ça. J'écoute pas
beaucoup de la musique d'aujourd'hui...mais la musique des années 50s.

- La musique qui parle....

- C'est ça. Surtout du classique. Et aussi les Américains - rapsody, blues, le jazz un peu...
Voilà la musique d'aujourd'hui ne m'intéresse pas beaucoup.
- Je doute pas! C'est pour ça que tu te réfugie sur une île...

- Exactement ! (rit)

- Des conseils pour les jeunes artistes ?

- De dessiner des hommes, de soigner le corps humain. Parce que j'ai l'impression que le
corps humain aujourd'hui notamment chez les jeunes dessinateurs, de ceux qui n'ont pas eu
à se battre dans la rue...un peu les enfants gâtés, et quand on est un enfant gâté on n'a
pas conscience de son corps. Et ce qu'on dessine c'est sont des larves et des êtres mous
plutôt que des corps de lutteurs ou des combattants.

- Oui, maintenant on apprend plus à dessiner mais de faire vidéo, concept etc...

- Bah oui... Le dessin c'est une écriture, et on écrit avec tout son corps. Et on dessine
avec tout son corps. Si tu n'as pas de conscience de ton corps tu pourras pas faire des
dessins percutants. C'est mon impression, mon sentiment.

- On a parlé avec quelques amis il y a deux jours de ton livre, avec oxygène. Et les
problèmes que t'a traité en 1973 c'est sont des problèmes aujourd'hui. Quand pour la
première fois j'ai vu les planches c'était science-fiction pour moi.

- Avec les dessins qui sont entrés dans ce livre j'ai voulais faire un dessin animé.
Ça pas marché, donc j'avais gardé les dessins et le livre a été publié que 3 ans plus tard.
Donc tu vois déjà a l'époque on a parlé de la pollution. Il y avait dans les villes des
usines à gaz, et pour les dessins j'étais inspiré des quartiers populaires, notamment du Havre,
les réservoirs de gaz, de gaz d'éclairage... Et il y avait des quartiers où ça sente mauvais,
c'était amère tu pouvais abîmer tes poumons, déjà, et encore à l'époque on ne s'alarme pas
encore du nucléaire! Il n'y avait pas des usines atomiques. Et il y a 50 ans - C'était hier!

- Oui, tout passe vite. Bon, ce n'est pas très optimiste pour finir....

- Ah non, mais on est là, on est là pour voir et montrer des choses!